Dans leur rôle de promotion, de protection et de défense des droits de l’Homme, de la démocratie et de l’État de droit, l’Observatoire congolais des droits de l’Homme (OCDH) et l’Organisation pour le Développement et les Droits Humains au Congo (ODDHC) ont couvert l’observation du scrutin dans dix (10) départements de la République du Congo. Il s’agit des départements du Niari, de Pointe Noire, de la cuvette, de la Likouala, des Plateaux, du Pool, de la Sangha, de la Bouenza et de Brazzaville.

Cette observation a été réalisée dans le cadre de la mise en œuvre d’un projet cofinancé par l’Union Européenne, le Programme des Nations Unies pour le Développement, l’Ambassade de France au Congo et l’Ambassade des Etats-Unis d’Amérique au Congo.

Objectifs

A travers la mise en œuvre de ce projet, l’OCDH et l’ODDHC se fixent comme objectif général, de contribuer à la gouvernance démocratique à travers l’observation électorale.

Plus spécifiquement, il s’agit de :

• Observer de manière impartiale le déroulement du scrutin législatif ainsi que les phases préélectorale et postélectorale ;

• Dissuader les fraudes et les imperfections d’organisation du scrutin ;

• Informer l’opinion nationale et internationale sur la qualité du scrutin ;

• Formuler les recommandations au gouvernement pour l’organisation d’élections équitables et transparentes en République du Congo.

Activités réalisées

Comme prévu dans son plan d’action, les activités suivantes ont été réalisées :

– Observation de la période préélectorale ;

– Organisation de 14 sessions de formation des observateurs locaux ;

– Observation du scrutin législatif ;

– Observation de la période post-électorale et suivi du contentieux.

Méthodologie de l’observation

L’OCDH et l’ODDHC ont procédé à l’organisation de quatorze sessions de formation dans les dix départements précités. A l’issue de ces ateliers, quatre vingt douze observateurs électoraux ont été formés.

Munis de kits d’observation (grilles d’observation, manuel, code de bonne conduite etc.), les quatre vingt douze (92) observateurs ont été déployés dans soixante dix sept (77)) centres pour un total de deux cent trente cinq (235) bureaux de votes visités.

Sur la campagne électorale:

L’accès aux médias n’était pas égalitaire. On a observé l’omniprésence des candidats de la majorité présidentielle dans les médias. Il y a eu également l’utilisation des moyens de l’Etat par les candidats de la majorité présidentielle. La distribution des cartes d’électeur n’a pas été menée à son terme. Plusieurs cartes d’électeurs n’ont pas été distribuées.

Du déroulement du scrutin et de la participation des électeurs

Aspects positifs :

– Bonne sécurisation des centres et bureaux de vote;

– Maitrise des enjeux et bonne conduite des délégués des partis ;

– Libre accès dans les bureaux de vote en dépit de quelques manquements observés à Talangaï ;

– Forte implication des institutions internationales (Système des Nations Unies, Union Européenne, Union Africaine, Missions diplomatiques) pour la facilitation de l’observation électorale.

Aspects négatifs:

– Faible taux de participation Plus que lors des scrutins de 2007 et 2009, les congolais ont largement boudé les urnes. On a relevé un manque d’engouement des citoyens pour se rendre dans les bureaux de vote. Les centres de vote de façon générale ont été déserts. Le scrutin a été caractérisé par un taux de participation extrêmement faible. En s’inspirant de l’échantillonnage des bureaux de vote observés, nous pouvons évaluer le taux de suffrages exprimés à environs 15%.

– Ouverture tardive des bureaux de vote

De façon générale, les bureaux de vote ont vu leurs portes ouvertes avec un grand retard. A Brazzaville comme à l’intérieur du pays, dans les centres de votes que nous avons visité, l’ouverture a été constatée entre neuf (9) heures du matin et quatorze (14) heures dans l’après-midi. Cette situation a eu une incidence sur la durée du vote ;

– Arrivée tardive du matériel électoral ;

– Inadéquation entre certaines listes affichées devant les bureaux de vote et les listes d’émargement ;

– Manque des stylos, des crayons, des lampes torches, des piles à torche et calculatrices dans certains bureaux ;

– L’encre fournie dans les bureaux de vote n’est pas réellement indélébile.

Des incidents et actes de tricherie et corruption ont été constatés.

Des incidents constatés

Plusieurs incidents ont été observés. A titre d’exemple :

– Les représentants du PCT et les officiels ont été séquestrés la veille du scrutin à Mbomo par les militants de l’opposition;

– Arrestation à Gamboma des militants de Mathias DZON, candidat de l’opposition, s’opposant au vote non réglementaire par procuration des électeurs du PCT ;

– Destruction des urnes suite au bourrage au centre du CEG 28 juin à Pointe Noire au profit du candidat Gaétan KODIA du PCT ;

– Bagarre au centre de vote de la grande école de Poto-Poto entre les partisans du candidat du PCT Kourissa et ceux des autres candidats suite au vote multiple fils dudit candidat du PCT.

Par ailleurs, au lendemain du vote, la ville de Gamboma s’est réveillée sous les tirs des armes à feu suite à la protestation des militants de Mathias DZON candidat dans la première circonscription. En effet, ces partisans depuis le soir de la fermeture des opérations de vote avaient assiégé le bureau de la commission locale des élections en réclamant comme l’exige la loi la publication et l’affichage des résultats de vote. Face au refus de la CONEL, un bras de fer s’est engagé entre les partisans des différents candidats et cette situation a crée un climat de vive tension dans ladite localité avec l’interposition de la force publique.

De la tricherie et actes de corruption

Plusieurs faits ayant trait à la corruption, tentative de corruption et tricherie ont été relevés. On peut citer entre autres :

– L’achat des consciences par le monnayage des suffrages par les représentants des candidats Claudia SASSOU et Blanchard OBA au CEG A.A. Neto (Brazzaville);

– Tentative de vote à Ngamakosso (Brazzaville) des militaires de la garde républicaine en uniforme à bord de deux véhicules immatriculés 0910 GR9, 0663 GR9;

– Vote des militaires de la garde républicaine en uniforme n’ayant pas de cartes d’électeur et des noms sur les listes au centre de la gare ferroviaire de Brazzaville à Poto-Poto;

– Remise d’une somme de 50.000 aux membres du bureau de vote n°5 à Mfilou II (Brazzaville) par le candidat indépendant MBAKANI LOUBOULA Placide;

– Remise des billets de 10.000 F aux électeurs à Ouesso par les partisans de NDINGA MAKANDA, candidat du PCT ;

– Achats des cartes d’électeurs pour établissement des procurations moyennant des billets de banque à Nkayi par les représentants du candidat du PCT, Emile MABONZO;

– Suspension du vote dans le centre du CEG 28 juin à Pointe-Noire jusqu’à 16 heures à cause des bulletins non uniformes ;

– Perturbation du vote à Bouansa jusqu’à midi suite à la création de deux bureaux de vote supplémentaires ;

– Suspension du vote au centre 30 octobre 1984 dans la circonscription de Mfilou I (Brazzaville) suite à la soustraction des bulletins de vote des candidats de l’opposition par le Président du bureau de vote n°4.

La liste de ces incidents et autres actes de tricheries enregistrés n’est pas exhaustive n’est exhaustive.

De la clôture du vote et du dépouillement

– Les bureaux de vote ont été clos tardivement. L’opération du dépouillement a amené les observateurs de quitter certains sites autour de 20 heures et au-delà ;

– Insuffisance d’éclairage dans les bureaux de vote, créant les conditions d’insécurité ;

– Non affichage des résultats devant les bureaux de vote.

 

Conclusion

Les observateurs de l’OCDH et de l’ODDHC ont constaté des insuffisances notoires lors des différentes étapes du processus électoral, notamment dans l’établissement des listes électorales, la participation de l’opposition dans les institutions électorales, le déroulement de la campagne électorale, du scrutin et la consolidation des résultats. Ces dysfonctionnements ressemblent à s’y méprendre à ceux constatés lors des scrutins de 2007 et 2009. Le gouvernement a la responsabilité de remédier à ces défaillances au risque de renforcer le désintérêt des citoyens pour les élections.

Des recommandations

Au regard des irrégularités, insuffisances constatées, l’OCDH et l’ODDHC recommandent :

Au gouvernement :

– De respecter la volonté exprimée par le peuple à travers les résultats qui sortiront des urnes et régler les contentieux électoraux en toute impartialité;

– D’effectuer annuellement le recensement administratif comme l’exige la loi électorale en vue de l’établissement des listes électorales fiables;

– De procéder un découpage électoral selon les critères démographiques ;

– De dessaisir le ministère de l’intérieur et de la décentralisation des attributions imputables à la CONEL tout en renforçant son indépendance et son autonomie financière ;

– De renforcer l’éducation civique et démocratique des populations

A la CONEL :

– De mettre en place une stratégie nationale conséquente de campagne d’éducation des électeurs et des candidats ;

– De mettre en place une stratégie nationale conséquente de formation des agents électoraux ;

– De prendre des mesures nécessaires pour améliorer la logistique lors du déploiement du matériel de vote ;

– D’afficher les listes électorales et distribuer les cartes d’électeur avant la date des élections, conformément à la loi;

– D’afficher les résultats des scrutins à la porte des bureaux de vote.

A la communauté internationale :

– De soutenir la société civile dans ses actions d’observation électorale ;

– De rappeler au gouvernement ses engagements en matière de démocratie et de l’Etat de droit